Si l’expérience est souvent représentée comme une richesse, elle peut également constituer un frein notamment au regard de préoccupations managériales ou économiques. En effet, le monde change en même temps que les habitudes de consommation. D’où l’intérêt de questionner un certain nombre de certitudes et d’acquis. Au travers de cette publication, nous revenons sur l’expérience professionnelle vécue comme un capital, mais aussi comme un fardeau qu’il convient d’interroger.

Pourquoi l’expérience peut devenir un fardeau

L’expérience au quotidien nous enseigne plusieurs choses fondamentales, comme la prudence et la nécessité de reproduire certains gestes ou certaines méthodes révélés efficaces avec le temps. L’humanité ne cesse d’ailleurs d’apprendre et de progresser sur ce registre, grâce à ces habitudes transmises de génération en génération. Il en va de même dans le monde de l’entreprise, amenée à adopter tout naturellement des modèles managériales connus pour avoir fait leurs preuves. Néanmoins, certaines de ces tendances managériales, d’apparence anodine, peuvent avoir des effets néfastes pour les entreprises et les grands groupes qui les adoptent sur le long terme, et peuvent finir par tomber dans une forme d’attentisme ou de « pilotage automatique ». Ces structures reproduisent ainsi, même de manière inconsciente, des pratiques dictées par l’expérience. Une situation que l’on peut traduire par un manque de temps, ou un manque de volonté et d’engagement.

De l’importance de choisir le bon modèle

Avant de se céder à de nouvelles approches managériales, ainsi qu’à des modes « structurelles » ou « superficielles », les managers et responsables doivent se poser les bonnes questions. Parmi celles-ci, il convient de se demander si l’adoption d’une nouvelle stratégie est réellement nécessaire à l’entreprise, et si le dispositif a démontré son efficacité. Également, le déploiement d’un nouveau dispositif doit être questionné en termes d’incidences opérationnelles et stratégiques. Il faut également être en mesure de prévoir les conséquences de ce changement, vis-à-vis de la culture et du savoir-faire de l’entreprise.

Parmi les problématiques en vogue à l’heure actuelle, la « transformation digitale » vécue par bon nombre d’entreprises comme un impératif. Le résultat d’une post-digitalisation dans certaines structures peut avoir des effets négatifs ou imprévus sur l’activité, et imposer de trouver une nouvelle cohérence globale en termes d’organisation.

De la différence entre expérience et savoir-faire

Nombreuses sont les entreprises qui déclarent, à l’occasion d’entretiens, que la détention d’un savoir-faire n’est pas forcément synonyme d’ancienneté. Ceci dit, même si les notions d’expérience, de compétences et de savoirs sont fortement imbriquées, il convient d’apporter une clarification. Ainsi, ce serait moins le temps passé sur une tâche ou à un poste qui déterminerait la richesse d’une expérience, mais la capacité d’un individu à se questionner sur son travail, ses procédures et donc sur les finalités de son action. Pour confirmer cette approche, il nous faut mettre en avant l’évolution des métiers et des technologies qui, dans certains cas, peuvent parfois reléguer progressivement les salariés les plus anciens ne disposant pas de la formation adéquate.

Ainsi, les compétences acquises au cours d’une expérience professionnelle peuvent constituer un capital. Mais elles peuvent avoir tendance à perdre de leur importance lorsque l’activité de l’entreprise évolue. Les salariés détenteurs de certaines qualifications peuvent alors se retrouver enfermés, déclassés au même titre que leur activité déclinante. Dans ce cas précis, l’ancienneté peut alors constituer une forme d’obstacle à l’employabilité. La question de l’expérience dans une économie en pleine mutation, qu’il s’agisse des secteurs industriels comme tertiaires, est donc cruciale.

Une solution adéquate pour chaque entreprise pourrait être alors de parvenir à personnaliser son propre modèle managérial de valorisation de l’expérience, selon son secteur d’activité, son évolution, ses particularités… Les entreprises opérant cette gymnastique mentale disposeraient alors de nouvelles perspectives, avec la capacité à faire évoluer leur modèle selon leurs besoins et l’adéquation au marché.